Qu'avez-vous lu ces derniers temps ?

Alors, qu'en est-il de ce dernier tome des aventures de Patrick Kenzie et Angie Gennaro? Dans l'ensemble, il ne dépareille pas par rapport aux précédents, toujours cette authenticité sociale et cette sincérité des personnages qui font que le récit de détective s'efface parfois derrière la peinture du monde moderne, pour revenir nous prendre aux tripes quelques pages plus tard quand on s'y attend le moins. Cet opus prend néanmoins en compte le temps qui s'est passé depuis. Hanté par les conséquences de la crise des subprimes sur Boston et le regard de plus en plus critique d'un narrateur qui devient vieux, ne comprend plus le monde qui l'entoure qui est en train de sombrer dans une sorte d'abîme en emportant les gens avec lui, Moonlight Mile ne nous parle plus de ces détectives aventureux qui avaient la vie devant eux et partaient au devant du danger en narguant le destin. Le détective est maintenant un bon quadra qui a une famille (le début du bouquin fait durer la surprise à ce sujet, mais on se doute de l'identité de la complice de Kenzie) et qui supporte le poids des années autant qu'il regarde le monde d'un oeil désabusé. Travaillant pour une boîte privée, il est forcé de devoir effectuer de basses besognes pour des clients riches mais humainement vides, et ce pour obtenir un CDI qui lui apportera de quoi protéger sa famille. Kenzie et Gennaro sont toujours les mêmes, mais ils ont plus de choses à perdre. Chose qui est évidente dès le début de l'aventure mais qui ne les empêchera pas de tenter le diable une fois de plus. Cette histoire se passe douze ans après Gone Baby Gone, et place le couple une nouvelle fois sur la route d'Amanda Mccready, la fillette qu'il a autrefois "sauvé" de ses kidnappeurs aimants pour la rendre à une mère négligeante (le mot est faible). Sans en dire trop sur l'histoire, on y parle des conséquences de l'acte de Patrick, de russes pas commodes et de jeunes gens emportés dans un tourbillon, ce qui fait pas mal de territoires à survoler pour nos privés. Les surprises sont moins nombreuses, plus appuyées, le récit plus languissant et il y'a plus de dialogues. Il y'a pourtant quelques coups d'éclats, des "moments à raconter plus tard", qui sont d'autant plus mémorables qu'ils sont peu nombreux et percutants. Pas de Devin, ni d'Oscar et bien peu de Bubba, mais l'absence de la belle galerie de personnages nous rapproche encore plus de ceux qui existent. On a jamais été aussi près des héros (à l'exception peut-être de Ténèbres prenez moi la main) et la tension eut égard aux enjeux prend une autre dimension. La plus grande surprise de ce roman est la jeune Amanda qui a bien grandi et qui est bien au-delà de ce qu'on pouvait attendre d'elle. Tous les moments de Moonlight Mile sont à savourer, vu l'attachement qu'on porte aux héros à ce niveau, un attachement qui ne démord pas jusqu'à un final tout simplement beau. Il pardonne la soudaineté de la résolution de l'affaire et nous offre la conclusion posée que méritent ces héros si humains. Moonlight Mile est bien le dernier de la série (la fin le confirme) et ça n'est même pas dommage car il se pose comme une issue logique à la quête de vérité de Patrick Kenzie, comme si ce chapitre final éclairait son parcours rétrospectivement. Et puis en rester là ne rend que plus unique (et plausible) chacune de ces six aventures.